Dans ce second numéro des « chroniques du Dr Momo Hubert », l’universitaire revient sur la polémique autour du Baume François qui continue de susciter de nombreuses interrogations au sein de l’opinion publique Camerounaise.
Il y a quelques mois, j’ai suivi avec intérêt renouvelé la polémique autour du baume Francois, « le commandant des baumes ». Un baume devenu un véritable phénomène communicationnel, qui a réussi une percée fulgurante et une affection significative au sein de la population au Cameroun. Avec 500 FCFA, vous avez un remède presque miracle, qui a une utilisation multimodale. On peut lécher, boire en infusion, se frotter les articulations, et même les gencives si on a mal aux dents… En quelque temps, le baume François a pris une place importante dans la boite à pharmacie de la famille, et dans les inconditionnels du voyage, présent dans les sacs à main. Il n’est pas question pour moi de trancher un débat en cours entre valeur de l’expertise scientifique et portée de l’empirisme thérapeutique. Effet placebo ? ce n’est ce qui m’intéresse. Ce qui mérite l’attention, c’est ce vaste déploiement du rouleau compresseur qui s’est déchainé contre un produit, qui n’est que la partie visible d’une problématique sérieuse : celle de l’accès aux soins et la place de la médecine alternative au Cameroun, notamment la médecine traditionnelle africaine.
Rappelons-nous l’époque de corona.
La pandémie est rapidement devenue un cimetière de certitudes et des évidences, déjouant des prédictions catastrophiques que l’on présageait pour l’Afrique. Il y a certes eu des morts, mais pas autant que les pronostics avaient prévu. Même si les avis ne sont pas tranchés, on ne peut s’empêcher de penser que la pharmacopée africaine ait été pour beaucoup dans la lutte décisive contre les effets morbides de la pandémie. Mgr Kleda Samuel , Père Noubissi Dieudonné et bien d’autres camerounais moins médiatisés ont réussi par leurs produits naturels à sortir de nombreux patients des situations d’extrême détresse. Covid dirions-nous, a été une occasion de valoriser le savoir-faire traditionnel et local en matière de plantes naturelles. Valorisation qui n’a pas connu un écho dans les instances publiques, puisque le Cameroun a été un des pays à accepter l’entrée et l’expérimentation des vaccins contre Covid, à la fin de la pandémie. À qui profitent ces accords ? Une autre question qui peut être posée au passage.
L’expérience positive engrangée n’a pas donné lieu au kairos, et n’a pas non plus donné lieu à un travail d’inventaire, de recensement et de recadrage éventuel du secteur de la santé par les plantes qui prend une visibilité remarquable au Cameroun, avec des résultats probants, qui nécessitent d’être scrutés sans condescendance et sans autoflagellation. Cette valorisation du savoir-faire en matière de santé est d’autant plus importante que pour des raisons économiques, structurelles et conjoncturelles, beaucoup de camerounais ont une fréquentation mesurée des centres de la médecine conventionnelle. Quand ils y ont vont c’est par voie détournée !
Qui ne connait pas le vendeur de médicament du coin de la rue, qu’on appelle gentiment et respectueusement docta, ces experts des coins de rue.
Fais-moi la composition docta !,( entendons, composition des médicaments,) une composition qui tient moins compte de la gravité de la maladie que des moyens dont on dispose…
Qui ne connait pas ces centres de santé au Cameroun que l’on trouve partout, souvent dans des conditions hygiéniques très discutables, ces centres où des actes inappropriés sont posés avec des résultats irréversibles…On sait tous avec quelle fréquence ils sont fermés pour répondre à une pression médiatique et avec quelle cadence ils sont rouverts. C’est dire combien la santé des camerounais est exposée et engage des questionnements divers et profonds qui n’acceptent pas d’excitation et de recherche d’exutoire. On s’attaque au baume François, peut être et pourquoi pas ? Et pendant ce temps, les producteurs et commerçants de Kitoko, King arthur, Fighter ; tombeaux, ces alcools frelatés au degré incontrôlé et à la nocivité notable, continuent impunément leur besogne mortifère ; Entre le baume François et ces alcools, quelle substance est la plus dangereuse ?
Chronique rédigée par Dr Momo Hubert