Le Dr. Hubert Momo est enseignant-chercheur à la Faculté d’Agronomie et Sciences Agricoles de l’université de Dschang. Il a accepté de produire des chroniques inspirées de son observation sociale. Dans ce premier numéro, il s’intéresse à l’orientation scolaire et universitaire au Cameroun.

Une année scolaire, universitaire passe, une autre commence. En le disant, je pense à ces nombreux Camerounais qui ont réussi au bac de l’enseignement général. Nombreux parmi eux caressent le rêve de l’inscription à la fac comme ils savent le dire mais dans quelle filière et pour quelle finalité? En dehors de ceux de la série scientifique qui ont eu des possibilités d’embrasser des filières professionnalisantes, ceux de la série littéraire ont une palette de choix étriquée et se retrouvent en train de signer un contrat de chômage en embrassant certaines filières. Que fait-on dans un pays comme le nôtre avec une licence en géographie? Que fait-on concrètement avec une licence en langue espagnole? Buenos días, ¿Qué tal? buongiorno, et après? Qui sait si les Turcs dans leur élan d’expansion ne vont pas offrir un bâtiment dans une institution universitaire de notre pays et demanderont en retour que soit enseignée la langue turque. Une licence en langue turque, ça c’est intéressant ça et ça sonne bien comme tous ces masters en d’autres langues que je n’ose pas citer qui augmentent le nombre de diplômés au Cameroun et enflent l’effectif des chômeurs. Et on peut multiplier ces exemples à souhait. En plus, détail important, l’École Normale Sup’ n’est plus une perspective d’emploi direct. Que voulons-nous faire des jeunes de ce pays quand l’enseignement n’a pas connu de véritables états généraux? Alors on continue de dupliquer les systèmes qui fabriquent onéreusement des chômeurs et après il se retrouvent sur la moto ou les couloirs de la débrouillardise puisque le Canada qui est le potentiel pays de tous les Camerounais, recherche certaines qualifications au moins en priori.

Que deviennent ces jeunes quand le système scolaire devient une « fabrique de crétin » selon l’expression de Jean-Paul Brighelli, quand le système universitaire lui-même qui a clochardisé ses enseignants ne se remet pas en cause et recyclent des grands noms et des titres ronflants alors que l’institution universitaire pour une bonne part, est devenue une espèce de garderie pour grands enfants, un passe-temps, un véritable parcours de professionnels universitaires où l’apprenant passe d’une licence à une autre, d’un master à un autre. Et qui paye les frais? C’est encore les parents. Les parents qui casquent et pour quel lendemain? Pour que ces jeunes se retrouvent avec leurs cadets à la maison. Le nombre croissant des étudiants qui se bousculent aux portes des UITs et des instituts privés permet de comprendre l’urgence d’une refonte scolaire et universitaire au Cameroun. On peut mobiliser avec bonheur la pensée de Marcien Towa au sujet des valeurs et du destin des Nations. Si un peuple ne décide pas d’avoir des valeurs, il ne peut se développer et il me semble que l’architecture éducative est un aspect structurant pour toute entreprise de développement quel qu’il soit.

Chronique rédigée par le Dr. Hubert Momo

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Un commentaire

  1. Salut cher professeur j’ai lu votre chronique avec lucidité et c’est pertinent.

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